Annexe I Contexte historique

Informations générales sur la réglementation des prix des médicaments brevetés par le gouvernement du Canada et Lignes directrices du CEPMB sur les lignes directrices relatives aux augmentations de prix

Évolution de la réglementation fédérale des prix des médicaments brevetés au Canada

Pendant de nombreuses années, le Canada a utilisé un système d'octroi de licences obligatoires aux fabricants de médicaments brevetés pour stimuler la concurrence au sein de l'industrie des médicaments et pour favoriser la vente des médicaments brevetés à des prix abordables. Cette politique a permis le développement d'une industrie des médicaments génériques au Canada. Dans son rapport de 1984, la Commission d'enquête Eastman sur l'industrie pharmaceutique (Commission Eastman) est arrivée à la conclusion que l'utilisation des licences obligatoires au cours de la décennie précédente avait permis au régime de soins de santé canadien de sauver des centaines de millions de dollars par année en facilitant l'entrée précoce de versions génériques de médicaments couramment utilisés offertes à prix moindres. Au moment de la création de la Commission Eastman, le gouvernement du Canada réagissait aux questions selon lesquelles la politique de licences obligatoires décourageait la recherche-développement pharmaceutique au Canada et qu'elle n'était pas compatible avec les obligations contractées en vertu d'ententes commerciales conclues avec différents pays.

En 1987, après un débat assez houleux au niveau du grand public et du Parlement, la Loi sur les brevetés a été modifiée. Les rédacteurs de la loi ont proposé différents piliers sur lesquels devait reposer la loi modifiée. Les cinq principaux piliers, décrits par le gouvernement du temps, étaient les suivants :

  • propriété intellectuelle
  • avantages pour l'industrie
  • relations multilatérales
  • protection des intérêts des consommateurs, et
  • soins de santé

Les législateurs ont bâti autour de ces principes une loi efficace qui tenait compte tant des préoccupations de l'industrie pharmaceutique que des intérêts des consommateurs. Les fabricants ont obtenu une meilleure protection pour leurs médicaments brevetés ainsi qu'une période d'exclusivité leur assurant un retour équitable sur leurs investissements. En contrepartie, le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB) était créé pour protéger les intérêts des consommateurs en veillant à ce que les fabricants n'abusent pas de la protection accrue conférée à leurs brevets en offrant leurs médicaments brevetés à des prix excessifs sur le marché canadien.

L'industrie s'est soumise aux nouvelles mesures de contrôle des prix des médicaments brevetés. De plus, l'Association canadienne de l'industrie du médicament (ACIM)1 s'est engagée à doubler ses dépenses en R-D au Canada en les portant à 10 % de la valeur de ses ventes et ce, au plus tard en 1996.2 L'Association a atteint son objectif en 1993 et l'a maintenu jusqu'en 2003. Cette année-là, le ratio des dépenses de R-D par rapport aux recettes tirées des ventes passait à 9,1 % pour les membres de Rx&D et à 8,9 % pour l'ensemble des brevetés. Ces modifications ont permis d'établir un certain équilibre entre l'offre de mesures d'encouragement à l'innovation, jugées importantes par l'industrie pharmaceutique, et la protection des intérêts des consommateurs.

Réglementation fédérale des prix des médicaments brevetés

Constituant l'une des modifications apportées en 1987 à la Loi sur les brevets, le CEPMB a été investi du mandat d'exercer un contrôle sur les prix de vente des médicaments brevetés au Canada et de veiller à ce que ces prix n'atteignent pas des niveaux excessifs. Le Conseil a été investi de pouvoirs lui permettant d'exercer une influence sur les prix des médicaments brevetés « dans la même mesure que le faisait la concurrence à laquelle donnait lieu le régime de licences obligatoires ».3 La Loi assure aux brevetés le droit à une audience juste et habilite les ministres de la Santé des provinces à intervenir au cours de celles-ci.

La Loi sur les brevets énumère les facteurs dont le Conseil doit tenir compte lorsqu'il est appelé à déterminer si le prix d'un médicament breveté est ou non excessif. Elle accorde toutefois suffisamment de latitude au Conseil quant à la façon de les appliquer. Au nombre de ces facteurs, citons les suivants :

  • le prix de vente du médicament sur un tel marché;
  • le prix de vente de médicaments de la même catégorie thérapeutique sur un tel marché;
  • le prix de vente du médicament et d'autres médicaments de la même catégorie thérapeutique à l'étranger;
  • les variations de l'indice des prix à la consommation;
  • tous les autres facteurs précisés par les règlements formulés aux fins de l'article 85 de la Loi.

Les facteurs présentés dans la Loi ont été définis dans les Lignes directrices sur les prix excessifs (les Lignes directrices) qui déterminent à l'aide des critères clairs et simples les prix auxquels les fabricants peuvent vendre leurs médicaments et les modalités de l'examen de ces prix par le personnel du CEPMB. Ces Lignes directrices ont été élaborées en consultation avec les intervenants, dont des associations de consommateurs, les ministères de la santé des provinces et l'industrie pharmaceutique.

Utilisation faite de l'IPC dans les Lignes directrices du CEPMB sur les prix excessifs

L'utilisation de l'IPC comme mesure permettant de déterminer si le prix d'un médicament est excessif doit être considérée dans le contexte de la période où la Loi a été modifiée. Dans les années soixante-dix, tous les pays ont connu un taux d'inflation élevé. Entre 1971 et 1981, l'IPC a augmenté de 137 % au Canada, alors que les prix des fabricants, à savoir les prix à la sortie de l'usine, des médicaments brevetés ont augmenté de 109 %.4 À partir des années quatre-vingt, les taux d'inflation ont commencé à fléchir, mais les prix des médicaments, eux, n'ont cessé d'augmenter. Selon les résultats des recherches effectuées par la Commission Eastman, entre 1980 et septembre 1984, les prix des médicaments brevetés ont augmenté de 57,7 % alors que les prix de tous les autres produits augmentaient de 26,2 % et l'IPC, de 38 %.5

Qu'est-ce que l'IPC?

L'IPC (indice des prix à la consommation) est un indice servant à mesurer l'inflation des prix à la consommation, un des indicateurs de la performance de notre économie. Pour calculer cet indice, Statistique Canada applique une méthodologie qui permet d'observer les variations des prix que paient un groupe de consommateurs pour un panier de biens de consommation. On compare ainsi sur une période de temps donnée le coût d'un panier fixe de produits. Les produits constituant le panier ne pouvant pas être substitués, même si les consommateurs ont tendance à substituer les produits, l'IPC est considéré comme une mesure biaisée à la hausse. Statistique Canada tente de compenser cette lacune en changeant tous les quatre ans les composantes du panier ainsi que leur pondération.

(Statistique Canada)

Alors que le législateur voulait s'assurer que les brevetés maximisaient le rendement de leurs investissements dans la recherche, certaines critiques s'étaient exprimées concernant le fait que les prix des médicaments augmentaient davantage que l'IPC.6 En associant les augmentations de prix futures aux variations du taux d'inflation, les brevetés avaient la possibilité d'ajuster les prix de leurs médicaments jusqu'à concurrence de l'incidence de l'inflation sur les prix de leurs facteurs de production. Ainsi, au cours de la période où les brevetés augmentaient les prix de leurs médicaments à des taux plus élevés que le taux d'inflation, l'inclusion de l'IPC comme facteur d'examen des prix accordait une certaine latitude aux fabricants dans l'établissement de leurs prix tout en protégeant les intérêts des consommateurs canadiens en limitant l'inflation des prix des médicaments.

Changements apportés en 1994 aux Lignes directrices relatives à l'IPC

On pouvait lire dans la première version des Lignes directrices relatives aux augmentations de prix publiées en 1988 :

« Le prix d'un DIN au moment de l'examen (le prix actuel) sera comparé au prix de référence du DIN rajusté en fonction du changement cumulatif de l'IPC (prix rajusté en fonction de l'IPC). Lorsque le prix actuel d'un DIN est supérieur au prix rajusté en fonction de l'IPC, le prix actuel sera présumé excessif, à moins de preuves tangibles du contraire. »

Au début des années 1990, le Conseil a observé différents problèmes au niveau de l'application des Lignes directrices qui étaient susceptibles de compromettre la stabilité des prix. Pour être plus précis, les premières Lignes directrices sur l'IPC ne posaient aucune limite à l'application ultérieure des augmentations de prix non appliquées ni aux augmentations annuelles de prix qui pouvaient s'ensuivre. En 1992, dans son bulletin no 9, le Conseil précisait :

« Conformément aux Lignes directrices actuellement en vigueur, les brevetés peuvent accumuler les hausses admissibles à compter de la période de référence et les utiliser dans d'autres périodes. Autrement dit, le breveté a le loisir de ne pas appliquer intégralement la hausse de l'IPC au cours d'une année donnée et de faire subir à ses prix une augmentation supérieure à l'IPC une autre année tout en se conformant aux Lignes directrices. »

Les données alors disponibles permettaient de penser que, dans l'éventualité où les fabricants appliquaient d'un coup toutes les augmentations de prix auxquelles ils avaient droit, les prix des médicaments brevetés auraient augmenté d'une vingtaine de points de pourcentage sinon plus alors que s'accumulaient les années de non augmentation des prix (voir le graphique 1).

Graphique 1
Tendances des prix des médicaments brevetés, 1988-1991

Indice des prix 1987=100

L'indice-chaîne Laspeyres se fonde sur une moyenne des prix.
Source : CEPMB

Afin de protéger les intérêts des consommateurs et prévenir des augmentations très marquées des prix des médicaments brevetés, le personnel du Conseil a proposé dans le cadre d'un plus vaste projet de modification des Lignes directrices de modifier la section pertinente des Lignes directrices de manière à restreindre les augmentations annuelles des prix au taux de variation de l'IPC. Cette proposition, qui a été publiée en octobre 1992 dans le Bulletin no 9, a fait l'objet d'une vaste consultation.

Les points de vue des intervenants sur la proposition de modification étaient assez divergents. Alors que les associations de consommateurs accueillaient favorablement l'idée de limiter davantage les augmentations de prix des médicaments brevetés, les représentants de l'industrie n'appréciaient pas pour leur part de perdre la marge de manoeuvre dont ils jouissaient au niveau de l'établissement des prix de leurs médicaments. En guise de suivi à la proposition de modification et aux autres modifications proposées aux Lignes directrices, le Conseil a constitué le groupe de travail sur les questions techniques et un comité spécial constitué de représentants des différents groupes d'intervenants, pour analyser l'ensemble de la question.

Dans son rapport déposé en juin 1993, le Groupe de travail a rejeté la proposition de limiter les augmentations annuelles de prix des médicaments brevetés à la variation annuelle de l'IPC. Selon le Groupe de travail, cette méthode pouvait pousser les brevetés à augmenter systématiquement les prix de leurs médicaments alors qu'ils ne l'auraient pas nécessairement fait si on ne les avait pas privés de la marge de manoeuvre dont ils jouissaient en matière de fixation des prix. On pouvait également lire dans le rapport que cette proposition risquait fort de compliquer les activités de fixation des prix de l'industrie en ce sens que les sociétés devraient, par exemple, fixer les prix de 1994 au milieu de l'année 1993 à la lumière des prix estimés pour le reste de l'année auquel s'ajouterait un facteur de l'IPC. Les brevetés devaient ainsi assumer le risque de se tromper dans leur estimation des prix de 1993 et de 1994.

Dans ses délibérations sur une proposition de rechange à la proposition présentée par le personnel du Conseil, le Groupe de travail a retenu quelques principes sur lesquels il a formulé sa recommandation. Au nombre de ces principes, citons les suivants :

  • prévenir les augmentations de prix annuelles largement supérieures à l'inflation
  • favoriser la prévisibilité des prix pour les consommateurs, ce qui inclut les hôpitaux et les régimes publics d'assurance-médicaments
  • éviter de déstabiliser indûment les pratiques de commercialisation de l'industrie
  • ne pas fournir aux brevetés une excuse toute choisie pour augmenter année après année les prix de leurs médicaments dans toute la limite autorisée pour ne pas être éventuellement désavantagés en perdant leur marge de manoeuvre au niveau de la fixation des prix de leurs médicaments
  • démontrer de la transparence.

Le Groupe de travail a recommandé une solution de compromis qui limitait à trois ans la période d'accumulation des augmentations autorisées et qui appliquait une limite ou un plafond au montant de l'augmentation de prix appliquée une année donnée. Les nouvelles Lignes directrices relatives à l'IPC proposées permettaient aux brevetés de conserver une marge de manoeuvre suffisante pour leurs activités de fixation des prix tout en protégeant les consommateurs contre des augmentations annuelles marquées et plus particulièrement aux cours des périodes très inflationnistes.

Les nouvelles Lignes directrices, qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 1994, spécifiaient que le prix d'un médicament breveté existant au cours de la période faisant l'objet de l'examen sera présumé excessif lorsque l'augmentation cumulative du prix sur une période de trois ans se révèle supérieure à l'augmentation cumulative de l'IPC pour la même période. Elles spécifiaient également que toute augmentation annuelle du prix ne pouvait représenter plus qu'une fois et demie le taux de variation estimé de l'IPC pour la même période.

Autrement dit, le breveté qui, dans la première ou la deuxième année, n'a pas majoré le prix de son médicament dans toute la limite autorisée pourrait appliquer l'année suivante la partie de l'augmentation non utilisée dans la mesure où l'augmentation annuelle ne représente pas plus que une fois et demie le taux de croissance de l'IPC. Cette méthodologie a l'avantage de s'autorajuster avec le temps en ce sens que les augmentations annuelles moyennes ne peuvent jamais être supérieures aux augmentations annuelles de l'IPC. En période de forte inflation, soit de plus de 10 %, la limite est établie à cinq points de pourcentage de plus que le taux de variation prévu.

Comme mesure de transition, les brevetés dont le prix du médicament aurait dû être réduit en 1994 et en 1995 par suite de l'adoption de la méthodologie de rajustement du prix en fonction de l'IPC n'ont pas eu à réduire le prix de leurs médicaments pour tenir compte du prix moyen non excessif de l'année précédente. Ainsi, un prix qui s'est maintenu au même niveau que l'année précédente était cette année-là réputé conforme aux Lignes directrices.

Cette Ligne directrice relative aux augmentations des prix des médicaments n'a pas changé depuis son adoption qui remonte à une dizaine d'années. Afin de donner aux brevetés un préavis suffisant pour leur permettre d'établir le prix de leurs médicaments pour la prochaine année, le Conseil publie chaque année les facteurs de rajustement du prix en fonction de l'IPC dans la livraison d'avril de son feuillet d'information La Nouvelle. Le facteur de rajustement est fonction des variations de l'IPC prévues pour la prochaine année. Aux fins de son examen annuel, le personnel du Conseil applique le taux le plus élevé, qu'il s'agisse du taux de variation réel de l'IPC ou du taux de variation prévu. Étant donné que les prévisions se fondent sur le taux réel de variation de l'IPC, cette approche s'autorajuste par elle-même avec le temps. Le CEPMB donne à l'Appendice 4 de ses Lignes directrices7 une description complète de la méthodologie qu'il suit.

À peu près au même moment où le CEPMB modifiait ses Lignes directrices afin de limiter davantage les augmentations des prix des médicaments brevetés, les gouvernements des provinces adoptaient de nouvelles politiques de limitation des coûts dont, entre autres, des restrictions des augmentations de prix des médicaments brevetés et non brevetés.

Les effets combinés des modifications aux Lignes directrices et de la mise en oeuvre par les provinces de politiques de limitation des coûts ont été manifestes dans les années ultérieures à 1994. En 1994, les prix des fabricants (soit à la sortie de l'usine) des médicaments brevetés mesurés à l'aide de l'IPMB ont enregistré un premier recul de 0,7 % par rapport aux prix des exercices précédents (voir graphique 2). Cette tendance à la baisse ou à la hausse très minime des prix s'est poursuivie jusqu'en 2003.

Graphique 2

Source CEPMB

Après avoir modifié ses Lignes directrices relatives à l'IPC, le Conseil a apporté des modifications à ses Lignes directrices relatives aux comparaisons de prix internationaux. Entre 1987 et 2003, les prix canadiens sont en moyenne passés de 23 % au-dessus du prix international qu'ils étaient en 1987 à un prix inférieur au prix médian de1994. Les modifications apportées aux Lignes directrices en 1993 ont fait en sorte que les prix des médicaments brevetés pratiqués au Canada ne pouvaient être les plus élevés au monde. Conjuguée à la méthode de rajustement du prix en fonction de l'IPC appliquée depuis la même année, cette modification a permis d'exercer un meilleur contrôle sur l'inflation des prix. Exception faite de 2002, les prix pratiqués au Canada sont depuis 1994 inférieurs à la médiane des prix internationaux et conformes aux grands objectifs des Lignes directrices.

1 Aujourd'hui appelée Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada (Rx&D).

2 Tel que publié dans le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation (REIR) du Règlement sur les médicaments brevetés, 1988. Ce résumé a été publié dans la partie II de la Gazette du Canada, Vol. 22, no 20 – SOR/DORS/88-474.

3 Cour d'appel fédérale, ICN Pharmaceuticals, 1996.

4 Gouvernement du Canada, Rapport de la Commission d'enquête sur l'industrie pharmaceutique, 1985

5 Ibid.

6 Harvie Andre, Notes du discours d'ouverture prononcé devant le Comité législatif sur le projet de loi C-22, 16 décembre 1986.

7 Pour de plus amples renseignements sur le facteur de rajustement du prix en fonction de l'IPC et sur la méthodologie suivie, voir le Compendium des Lignes directrices, politiques et procédures, page 41).

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