DANS L'AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur les brevets S.R.C. 1985, c. P-4, dans sa version modifiée ET Sanofi-Synthelabo Canada Inc. (l'« intimée ») et son médicament “Fasturtec”

ÉNONCÉ DES ALLÉGATIONS DU PERSONNEL DU CONSEIL

INTRODUCTION

1. Le présent énoncé des allégations fait suite à une enquête que le personnel du Conseil a effectuée sur le prix de la fiole de 1,5 mg du Fasturtec (rasburicase) (DIN 02248416), un médicament breveté commercialisé au Canada par Sanofi-Synthelabo Canada Inc. (“Sanofi”).

LE MÉDICAMENT

2. Le Fasturtec est indiqué pour le traitement et la prophylaxie de l'hyperuricémie chez les enfants et les adultes atteints d'un cancer. Il est administré par intraveineuse (pièce 1). Il s'agit d'une nouvelle substance active (aussi appelée nouvelle entité chimique) classée V03AF07 dans le système de classification ATC.

3. Sanofi a commencé à vendre son médicament Fasturtec (auparavant appelé Elitek) au Canada en vertu du Programme d'accès spécial de Santé Canada (PAS) le 21 mai 2002.

4. Santé Canada a émis un Avis de conformité pour le Fasturtec le 29 octobre 2003 (pièce 2). Ce médicament est à ce jour distribué en vertu du Programme d'accès spécial.

LE BREVETÉ

5. Les brevets canadiens 2,035,900 et 2,148,537 sont associés au Fasturtec (pièces 3 et 4). Ces brevets, attribués à Sanofi le 11 janvier 2000 et le 16 juillet 2002, arriveront à échéance les 13 juillet 2010 et 3 mai 2015 respectivement.

6. Comme l'exige le Règlement sur les médicaments brevetés, 1994 (« le Règlement »), Sanofi a soumis en juillet 2002 les données sur le prix de son médicament et sur ses ventes pour les mois de mai et de juin 2002. Au cours de cette période dite de lancement, Sanofi offrait son médicament à 200 $ la fiole.

7. Au moyen des lettres datées du 22 octobre 2002 et du 31 octobre 2002, Sanofi a informé le personnel du Conseil que le prix de vente de son médicament, qui était alors de 200 $ la fiole, était erroné et qu'il avait été majoré à 295 $ la fiole (pièce 5).

8. Au moyen d'une lettre datée du 7 février 2003, le personnel du Conseil a informé Sanofi que, à la lumière des données relatives au prix de lancement et aux ventes qu'il lui avait fournies, il avait engagé une enquête sur le prix de lancement de la fiole de 1,5 mg du Fasturtec. Le personnel du Conseil a également mentionné dans cette lettre que même si l'examen du prix du Fasturtec n'était pas encore terminé, le prix du Fasturtec justifiait la tenue d'une enquête puisque les résultats du test du prix international révélaient que le prix canadien du Fasturtec était supérieur aux prix du même médicament pratiqués dans les différents pays de comparaison nommés dans le Règlement dans lesquels le médicament était vendu. Il restait au personnel du Conseil, suite à cette lettre, de finaliser son examen et de déterminer le prix maximal non excessif (MNE) du Fasturtec (pièce 6).

9. L'article 7.1 des Lignes directrices sur les prix excessifs (« Lignes directrices » prévoit ce qui suit :

Le prix d'un produit médicamenteuxbreveté nouveau ou existant sera présumé excessif s'il est supérieur aux prix auxquels le même médicament est vendu dans les différents pays nommés dans le Règlement. La conformité du prix du médicament breveté sera évaluée à l'aide du Test de comparaison des prix internationaux décrit à l'Appendice 3.

10. Conformément aux procédures décrites dans les Lignes directrices du CEPMB concernant les médicaments nouveaux, le personnel du Conseil a soumis le Fasturtec au Groupe consultatif sur les médicaments pour usage humain (GCMUH) qui en a fait l'examen le 17 mars 2003. Le breveté n'avait encore soumis aucune présentation à cet égard. Le GCMUH a été invité à formuler ses recommandations concernant la classification du médicament et le choix des régimes posologiques des médicaments comparables aux fins de la comparaison selon la catégorie thérapeutique.

APPLICATION DES LIGNES DIRECTRICES

Catégorie

11. Les lignes directrices donnent les orientations suivantes en ce qui concerne la classification d'une nouvelle substance active :

3.1 Médicament de la catégorie 1 - Nouveau DIN d'une forme posologique existante ou comparable d'un médicament existant, tel que prévu à l'appendice 7.

3.2 Médicament de la catégorie 2- Nouveau DIN d'une forme posologique non comparable d'un médicament existant ou, encore, le premier DIN d'une nouvelle entité chimique qui constitue une découverte ou une amélioration importante par rapport aux DIN existants comparables.

3.3 Médicament de la catégorie3 - Nouveau DIN d'une forme posologique non comparable d'un médicament existant ou, encore, le premier DIN d'une nouvelle entité chimique offrant une amélioration modeste, voire même aucune amélioration par rapport aux DIN existants comparables. Cette catégorie de médicaments comprend les nouveaux médicaments qui n'ont pas été classés dans la catégorie 2.

12. À la lumière des résultats de son examen, le GCMUH a recommandé dans son rapport daté du 17 mars 2003 de classer le Fasturtec dans la troisième catégorie des nouveaux médicaments (pièce 7).

Médicaments et régimes posologiques comparables

13. En ce qui concerne le choix des médicaments comparables, les Lignes directrices prévoient ce qui suit :

9.1 Les médicaments comparables sont choisis à l'intérieur d'un assortiment de médicaments et de formes posologiques comparables.

9.2 Les médicaments comparables sont des médicaments équivalents sur le plan clinique utilisés pour traiter l'indication approuvée qui devrait être l'indication principale du médicament sous examen. Le CEPMB utilise pour le choix des médicaments comparables le système de classification anatomique thérapeutique chimique (ATC) de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

9.3 Les médicaments comparables sont généralement inscrits dans la sous-catégorie du système de classification ATC située immédiatement au-dessus de la simple substance chimique. Il s'agit normalement du quatrième niveau de sous-catégorie. Si ce niveau ne comporte pas de médicaments se prêtant à la comparaison, le CEPMB peut alors choisir des médicaments comparables dans la prochaine sous-catégorie supérieure ou dans une autre sous-catégorie. Dans certains cas, le choix peut devoir être fait au cinquième niveau, soit celui de la substance chimique simple. Les critères de sélection comprennent l'indication et l'usage thérapeutique. Ils peuvent également comprendre le mode d'action, le spectre d'activité et même la famille chimique.

9.4 Le CEPMB peut exclure de sa comparaison une substance chimique ou un médicament de la même catégorie ATC que le médicament sous examen lorsque le Groupe consultatif ou le personnel du Conseil considère qu'ils ne sont pas équivalents sur le plan clinique ou qu'ils ne se prêtent pas à la comparaison. Par exemple, les médicaments dont l'indication principale est différente de celle qui devrait être attribuée au médicament sous examen peuvent être exclus de la comparaison. De même, le CEPMB peut décider d'inclure dans la comparaison des médicaments appartenant à d'autres catégories ATC qui sont cliniquement équivalents au médicament sous examen et qui partagent la même indication que le médicament sous examen.

14. À la lumière de l'information scientifique portée à la connaissance du GCMUH aux fins de son examen, le GCMUH est arrivé à la conclusion qu'aucun médicament existant ne se prêtait à la Comparaison selon la catégorie thérapeutique (CCT) qui doit être effectuée en application des Lignes directrices.

PRIX MAXIMAL NON EXCESSIF (MNE)

15. Les Lignes directrices prévoient ce qui suit aux fins du test du prix approprié pour les nouveaux médicaments de la catégorie 3 :

8.5Outre les dispositions des Lignes directrices visant tous les produits médicamenteux brevetés présentées à la section 7, le prix de lancement d'un nouveau produit médicamenteux de la catégorie 3 sera considéré excessif s'il est supérieur aux prix de tous les produits médicamenteux comparables vérifiés au moyen d'une comparaison selon la catégorie thérapeutique (Appendice 2).

8.6Lorsqu'une comparaison selon la catégorie thérapeutique ne se prête pas, le personnel du Conseil tiendra compte de la médiane des prix internationaux obtenue au moyen du test de la comparaison des prix internationaux (Appendice 3) pour déterminer si le prix de lancement du nouveau DIN est excessif.

16. Le GCMUH étant arrivé à la conclusion qu'aucun médicament existant ne pouvait être comparé au Fasturtec, le personnel du Conseil a effectué une Comparaison selon le prix international médian (CPIM) afin de déterminer le prix maximal non excessif du Fasturtec. Au moment de son lancement sur le marché canadien, le Fasturtec était vendu dans trois des sept pays de comparaison nommés dans le Règlement (à savoir en Allemagne, en Suède et au Royaume-Uni).

17. L'alinéa 2.4 des Lignes directrices (Appendice 3 – Comparaison du prix international) prévoit ce qui suit :

Lorsque la comparaison des prix internationaux vise à déterminer le prix médian, un prix international médian provisoire sera utilisé si le médicament est vendu dans moins de cinq pays au moment de son lancement. Sauf s'il est excessif, le prix de lancement sera traité comme le prix de référence provisoire. Ce prix fera l'objet d'un autre examen après trois ans ou lorsque le médicament sera vendu dans au moins cinq pays, soit la première de ces deux éventualités.

Au moment du lancement du Fasturtec sur le marché canadien, le prix international médian provisoire des prix pratiqués en Allemagne, en Suède et au Royaume-Uni pour une fiole de Fasturtec avait été établi à environ 92 $ (pièce 8).

18. Dans une lettre datée du 6 mai 2003, le personnel du Conseil a informé Sanofi qu'à 200 $ la fiole, le prix de lancement du Fasturtec dépassait de plus de 116 % le prix maximal non excessif établi à 92 $ et qu'à 295 $, soit le prix de vente déclaré pour la période de rapport de juillet à décembre 2002, il le dépassait de presque 220 % (pièce 9).

19. Dans les lettres datées du 5 juin 2003 et du 21 août 2003, Sanofi a exprimé ses commentaires relativement à l'examen du prix de lancement du Fasturtec effectué par le personnel du Conseil que le prix du Fasturtec n'était pas « excessif » et que l'application du test du Prix international médian n'était pas pertinente (pièces 10 et 11).

20. Après avoir analysé les rapports de Sanofi, le personnel du Conseil a, dans une lettre datée du 11 mars 2004, informé Sanofi qu'il avait conclu son enquête (pièce 12). Le Fasturtec étant désormais commercialisé dans les sept pays de comparaison, le prix de référence provisoire de 92 $ la fiole a été réévalué et le prix maximal non excessif du Fasturtec pour 2002 a été établi à 119 $ la fiole (pièce 13). À 295 $ la fiole, le prix du Fasturtec dépasse de près de 150 % le prix maximal autorisé pour 2002. En 2003, ce prix dépassait de plus de 140 % le prix rajusté en fonction de l'IPC. Le personnel du Conseil a évalué à environ 375 000 $ la valeur des recettes excessives perçues entre mai 2002 et décembre 2003 en raison de la vente de son médicament à des prix excessifs.

POLITIQUE SUR LES PRIX EXCESSIFS

21. L'article 83(4) de la Loi sur les brevets prévoit ce qui suit :

S'il estime que le breveté ou l'ancien breveté s'est livré à une politique de vente du médicament à un prix excessif, compte tenu de l'envergure et de la durée des ventes à un tel prix, le Conseil peut, par ordonnance, au lieu de celles qu'il peut prendre en application, selon le cas, des paragraphes (2) ou (3), lui enjoindre de prendre l'une ou plusieurs des mesures visées par ce paragraphe de façon à réduire suffisamment les recettes pour compenser, selon lui, au plus le double de l'excédent procuré par la vente au prix excessif.

22. Le personnel du Conseil est d'avis que Sanofi s'est livré à une politique de vente de son médicament à un prix excessif. Depuis le lancement du Fasturtec sur le marché canadien en mai 2002, la société Sanofi vend la fiole de Fasturtec à un prix qu'elle savait ou qu'elle était censée savoir supérieur au prix autorisé en vertu des Lignes directrices. À ce jour, Sanofi n'a pas réduit le prix de son médicament de manière à se conformer aux Lignes directrices du Conseil.

AUTRE

23. Le personnel du Conseil se réserve le droit de formuler d'autres allégations, de présenter d'autres soumissions et de soumettre d'autres documents qu'il peut juger pertinents et que le Conseil peut lui permettre de faire.

24. Conformément à l'article 86 de la Loi sur les brevets, une audience publique sera tenue, sauf si le Conseil en décide autrement. Le personnel du Conseil estime que toute audience du Conseil sur le prix du Fasturtec devrait être publique et que, sous réserve d'une ordonnance contraire du Conseil, tous les renseignements communiqués et tous les documents déposés devraient est versé au dossier public.

ORDONNANCE DEMANDÉE

25. Il est respectueusement soumis au Conseil qu'il existe des motifs suffisants de statuer, en vertu de l'article 83 de la Loi sur les brevets, que Sanofi vend ou a vendu au Canada son médicament à un prix excessif et que Sanofi s'est livrée à une politique de vente de son médicament à un prix excessif.

26. Le personnel du Conseil recommande au Conseil de rendre une ordonnance à l'encontre de Sanofi, laquelle serait libellée comme suit :

a)Pour la période du 21 mai 2002 au 31 décembre 2004 inclusivement, les prix maximum non excessifs du Fasturtec au Canada sont ceux calculés à la pièce 14.

b)Pour les années subséquentes, le prix maximum non excessif du Fasturtec au Canada sera calculé à l'aide de la formule présentée à l'appendice 4 des Lignes directrices

c) Conformément à l'article 83(1) de la Loi, Sanofi réduira le prix maximal de son médicament au Canada de manière à ce qu'il corresponde à tout le plus au prix maximal non excessif, et ce, au plus tard dans les 30 jours suivant la date à laquelle le Conseil rendra son ordonnance

d)Conformément à l'article 83(4) de la Loi,et en lieu d'une ordonnance pouvant être rendue en vertu de l'article 83(2), Sanofi remboursera le double du montant estimé des recettes excessives perçues par Sanofi en vendant son médicament sur le marché canadien à un prix excessif entre le 21 mai 2002 et la date à laquelle prendra effet la réduction du prix du Fasturtec tel que prévu à l'alinéa c)

i) Pour les recettes excédentaires perçues entre le 21 mai 2002 et le 30 décembre 2003, Sanofi versera à Sa Majesté la reine du chef du Canada, dans les 30 jours suivant la date de la présente ordonnance, un montant représentant le double du montant calculé dans la pièce 14

ii) Pour les recettes excédentaires perçues entre le 1er janvier 2004 et de la date d'entrée en vigueur de la réduction de prix dont il est fait mention à l'alinéa b), Sanofi versera à Sa Majesté la reine du chef du Canada un montant représentant le double du montant estimé des recettes excédentaires perçues découlant de la vente de son médicament à un prix excessif, et ce, dans les trente jours suivant la réception de l'estimation de ces recettes établie par le Conseil à la lumière de l'information fournie en application de l'alinéa e) qui suit.

e)Dans les 60 jours suivant la date de l'ordonnance du Conseil, Sanofi :

i) avisera par écrit les ministres de la Santé fédéral/provinciaux/territoriaux ou leurs représentants ainsi que tous ses clients que le prix du Fasturtec a été réduit en vertu d'une ordonnance du Conseil (joindre copie de l'ordonnance du Conseil) avec mention de la date d'entrée en vigueur de la réduction;

ii) remettra au Conseil copies de ces avis et de tout autre avis donné par le breveté en application de l'ordonnance;

iii) soumettra au Conseil les données sur la quantité de fioles de Fasturtec vendues, sur le prix moyen de vente d'un emballage de Fasturtec ou, encore, sur le montant des recettes nettes tirées de la vente du Fasturtec au Canada en utilisant le même formulaire que celui exigé en vertu de l'alinéa 4(1) du Règlement sur les médicaments brevetés, 1994,et ce, pour la période allant du 1er janvier 2004 à la date d'entrée en vigueur de la réduction du prix et dont il est fait référence au paragraphe c).

Fait à Ottawa le 7 mai 2004.

Johnston & Buchan, LLP

275, rue Slater, Bureau 1700

Ottawa (Ontario)

K1P 5H9

Tél. : (613) 236-3882

Téléc. : (613) 230-6423

David Wilson

Courriel : wilson@johnstonbuchan.com

Lynn Starchuk

Courriel starchuk@johnstonbuchan.com

Conseillers juridiques du personnel du Conseil

LISTE DES PIÈCES JOINTES

  • Pièce 1 : Monographie du produit Elitek/Fasturtec datée du 29 octobre 2003.
  • Pièce 2 : Avis de conformité – Produit biologique et radiopharmaceutique pour usage humain,1er janvier – 26 décembre 2003.
  • Pièce 3 : Brevet canadien no 2,035,900, délivré le 11 janvier 2000.
  • Pièce 4 : Brevet canadien no 2,148,537 délivré le 16 juillet 2002.
  • Pièce 5 : Lettres de Sanofi au personnel du Conseil datées du 22 octobre 2002 et du 31 octobre 2002.
  • Pièce 6 : Lettre du personnel du Conseil à Sanofi, datée du 7 février
  • 2003, l'informant qu'il avait engagé une enquête sur le prix du Fasturtec.
  • Pièce 7 : Rapport de l'examen scientifique d'un nouveau médicament effectué par le GCMUH, daté du 17 mars 2003.
  • Pièce 8: Bloc 5 – Prix étrangers du Fasturtec et prix étrangers tirés de sources publiquement disponibles pour la période de janvier à juin 2002.
  • Pièce 9 : Lettre du personnel du Conseil à Sanofi, datée du 6 mai 2003.
  • Pièce 10 : Lettre de Sanofi au personnel du Conseil datée du 5 juin 2003.
  • Pièce 11 : Lettre de Sanofi au personnel du Conseil datée du 21 août 2003.
  • Pièce 12 : Lettre du personnel du Conseil à Sanofi datée du 11 mars 2004 et proposition d'un engagement de conformité volontaire.
  • Pièce 13 : Bloc 5 – Prix étrangers du Fasturtec et prix étrangers tirés de sources publiquement disponibles pour la période de juillet à décembre 2002.
  • Pièce 14 : Fasturtec, fiole de 1,5 mg – Calcul des recettes excessives.
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